C’est lundi et je vous propose aujourd’hui ma chronique d’un roman dont je ne sais dire si je l’ai apprécié ou pas. Vous comprendrez probablement mon ambivalence dans le lignes qui vont suivre, accrochez-vous à ce que vous pouvez, on y va.
Un thriller fantastique à la frontière du réel et de la folie
Publié le 28 juin 2024 aux éditions Terre Noire, Le Soleil d’Icare de Frédéric Félix Ferret est un roman inclassable, déroutant et profondément immersif. Entre thriller psychologique, délire hallucinatoire et réflexion philosophique sur notre époque, ce récit à la première personne prend la forme d’un journal de bord halluciné, celui de Rama Van Mertens. Le cadre est posé dès les premières pages : un homme, trempé et visiblement en fuite, se réfugie dans un hôtel en Corée du Sud. Minuit sonne. Il barricade la porte, s’assure qu’aucune caméra ne l’observe, et commence à écrire. Ce qu’il nous livre ? Les confessions désespérées et acides d’un homme en guerre contre le monde… ou contre lui-même.
Rama Van Mertens : un antihéros cynique au bord du gouffre
Au cœur de ce roman intense se tient Rama, un personnage principal aussi fascinant que déconcertant. Âgé de 40 ans, il se décrit comme un misanthrope lucide, un être à l’intelligence aiguë, déçu par la médiocrité humaine. Rama méprise la société, se moque de ses codes, et tire à boulets rouges sur nos illusions collectives. D’une plume cinglante et souvent provocatrice, il partage sa vision du monde avec une ironie mordante. Les mots de Rama sont parfois grossiers, souvent délirants, mais toujours percutants. Est-il un philosophe désabusé ou un fou délirant ? Est-ce un génie toxique ou une victime d’un système qui broie les esprits les plus sensibles ? Cette ambivalence crée une tension permanente, qui fait tout le piquant de la lecture.
Ce personnage dérange autant qu’il fascine. Sa lucidité, bien qu’enrobée de paranoïa et de psychotropes, révèle des vérités parfois insoutenables sur notre époque. L’auteur construit ici un protagoniste inoubliable, un narrateur peu fiable dont le regard sur le monde nous interpelle, nous questionne, et nous dérange.
Une atmosphère paranoïaque et apocalyptique digne de Matrix
Dès les premières lignes, l’atmosphère du roman est lourde, troublante, presque oppressante. On avance dans un brouillard mental où les frontières entre la réalité et les hallucinations se brouillent sans cesse. Impossible de faire entièrement confiance à Rama : est-il réellement pourchassé par la mystérieuse « Société Icare » ou s’agit-il d’un délire de persécution ? Et cette société elle-même… existe-t-elle seulement ? Frédéric Félix Ferret joue brillamment avec les codes du thriller paranoïaque, empruntant autant à la littérature qu’au cinéma. L’univers évoque par moments le film Matrix, dans cette manière de questionner la réalité, de dénoncer un système invisible et oppressant.
La narration est immersive à souhait. Chaque chapitre s’ouvre sur une citation – dont le style tranche avec celui du récit – créant un effet de contraste qui accentue encore le sentiment de fragmentation et de chaos. Les chapitres, denses, parfois longs, nécessitent une lecture attentive. On avance, on recule, on cherche des indices, on tente de recomposer le puzzle… Et ce flou constant fait partie de l’expérience. Ce n’est pas un roman que l’on lit en mode passif : Le Soleil d’Icare nous oblige à penser, à douter, à interpréter.
Une écriture qui titille les neurones et explore des thématiques contemporaines
Sur le fond, Le Soleil d’Icare est un roman riche en questionnements philosophiques et sociétaux. Sous ses dehors délirants, le texte explore des thèmes actuels comme la surveillance généralisée, la perte de repères, la toxicomanie, la solitude moderne, le nihilisme ambiant ou encore la quête de sens dans un monde qui semble en avoir perdu toute trace. Rama, malgré sa posture arrogante, semble animé par une angoisse existentielle profonde. L’auteur nous confronte ainsi à notre propre malaise contemporain, à travers les yeux d’un homme qui, peut-être, a vu ce que nous refusons encore de voir.
Et si les hallucinations de Rama étaient une autre forme de lucidité ? Et si ses élucubrations paranoïaques étaient en réalité une métaphore de notre société dysfonctionnelle ? À aucun moment le roman ne donne de réponse claire – et c’est précisément ce qui le rend si puissant. Il nous laisse en suspension, dans un entre-deux dérangeant, à la fois intellectuellement stimulant et émotionnellement troublant.
Une œuvre déroutante, exigeante, mais profondément marquante
Le Soleil d’Icare n’est pas une lecture facile. C’est un roman exigeant, complexe, qui joue avec nos repères et nos certitudes. On s’y perd parfois, on y revient, on surligne des passages, on doute… et surtout, on n’en ressort pas indemne. Frédéric Félix Ferret signe ici une œuvre originale, atypique, qui ne cherche pas à plaire mais à percuter. Et ça fonctionne.
Ce roman ne plaira pas à tout le monde, mais il a ce pouvoir rare de hanter l’esprit une fois la dernière page tournée. C’est un texte qui invite à la relecture, tant il regorge de niveaux de lecture et de références implicites. Un labyrinthe mental, un miroir brisé de notre époque, un cri solitaire dans un monde sourd.
🖋️ En résumé : Plongée hallucinée dans l’esprit d’un misanthrope génial
Titre : Le Soleil d’Icare
Auteur : Frédéric Félix Ferret
Éditeur : Terre Noire (Collection Symphonie)
Date de parution : 28 juin 2024
Nombre de pages (broché) : 264
Genre : Thriller fantastique, autofiction paranoïaque
Format lu : Kindle – Service presse, merci à l’auteur
👉 À lire si vous aimez : les romans qui bousculent, les narrateurs ambigus, les récits à la frontière du réel et de la folie, ou si vous cherchez une lecture qui vous fera sortir de votre zone de confort.
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Très intriguée par ce roman déroutant et ce personnage pas commun et qui ne semble pas construit pour faire l’unanimité.
Intriguant, tout à fait 🙂