La course à l’oie de Vanosc : tradition séculaire et polémique

Hello !!! Vous êtes (un peu trop) nombreux à m’avoir contactée sur le fameux sujet de l’été de mon village : la traditionnelle course à l’oie. Comme chacun le sait, j’habite Vanosc depuis presque quinze ans et chaque année, la vogue est organisée par les conscrits autour du 15 aout. Jusqu’alors, je suis persuadée que l’évènement ne dépassait pas les « frontières » de la Vocance. En cette année 2025 le monde entier se tourne vers le clocher. Sachez que je suis neutre : cette fête existait bien avant mon arrivée et, si je n’y assiste pas, je laisse les concernés prendre leurs décisions en leur âme et conscience. Cependant, je vais éclairer nos lanternes culturelles 😉

Historique de la tradition

La course à l’oie (appelée aussi « jeu du cou de l’oie ») est un jeu folklorique ancien consistant à arracher la tête d’une oie suspendue en hauteur. Ses origines sont lointaines : on retrouve des traces de jeux similaires dès le XIIe siècle en Espagne, d’où la pratique s’est diffusée dans plusieurs pays européens (France, Belgique, Pays-Bas, etc.). Autrefois, l’oie était vivante et les concurrents à cheval devaient, au galop, attraper son cou graissé pour la décapiter, témoignant d’une brutalité aujourd’hui choquante. Ce type de divertissement, où un animal vivant était maltraité, a peu à peu disparu en Europe : l’usage d’oies vivantes a été interdit dès le début du XXe siècle en France et ailleurs. La tradition a néanmoins survécu localement en adaptant ses règles : l’oie est désormais tuée au préalable, ce qui évite de lui infliger des souffrances en public.

À Vanosc (commune rurale d’environ 800 habitants en Ardèche), la course à l’oie s’est ancrée depuis plus d’un siècle comme une coutume villageoise. Elle est organisée chaque 15 août lors de la vogue locale (fête patronale) par les jeunes conscrits du village. Ces conscrits – traditionnellement les jeunes atteignant la vingtaine – perpétuent ce rite festif de génération en génération. La pratique est si emblématique qu’une rue du village porte le nom de « Rue de la Course-à-l’Oie ». Autrefois pratiquée à Vanosc sur une oie vivante et à cheval, la course se déroule aujourd’hui avec une oie morte et des véhicules motorisés. Malgré ces évolutions, l’essence du jeu reste la même : c’est un défi consistant à arracher la tête de l’animal, perçu jadis comme un exploit d’adresse et de bravoure récompensé par le fait de gagner l’oie pour le banquet. Au fil du temps, la course à l’oie est ainsi devenue un rituel local « séculaire » fortement intégré à l’identité de Vanosc.

Déroulement actuel de l’événement

Jeu du « cou de l’oie » à Vanosc : un jeune conscrit se dresse par le toit ouvrant d’une voiture pour tenter d’arracher la tête d’une oie pendue par les pattes, sous les yeux du public (photo d’archives).

De nos jours, la course à l’oie de Vanosc se tient chaque année le 15 août en fin de matinée, au cœur des festivités de la vogue des conscrits. Le principe est immuable : une oie morte est suspendue par les pattes, la tête en bas, à une corde tendue en travers de la rue (la bien-nommée rue de la Course-à-l’Oie). Les participants, souvent les conscrits eux-mêmes, montent à bord d’une vieille voiture décapotable ou à toit ouvrant et passent à tour de rôle sous l’oie. Debout dans le véhicule en marche, ils tentent d’attraper à mains nues le cou de l’animal pour l’arracher d’un coup sec. Le gagnant est celui qui parvient à décapiter l’oie, ce qui met fin à la course. Par tradition, l’oie est ensuite souvent cuisinée et partagée, de façon à ne pas gaspiller l’animal sacrifié.

Cet événement pittoresque est un moment phare de la fête communale du 15 août à Vanosc. Il est précédé d’une aubade en musique le matin (les conscrits font le tour du village en fanfare) et suivi d’un déjeuner champêtre. L’après-midi, d’autres jeux traditionnels prolongent la fête : par exemple un jeu appelé « casse à la biche » et surtout une course aux chèvres à 17h, où des chèvres sont lâchées dans une épreuve de vitesse. En soirée, un bal populaire clôture la vogue. L’ensemble de ces animations attire une foule nombreuse de villageois et de curieux des environs, venus assister à des spectacles à la fois ludiques et folkloriques. La course à l’oie, en particulier, reste très attractive pour le public, qui se masse le long de la rue pour encourager les jeunes et perpétuer ce moment convivial du patrimoine local.

La polémique actuelle : tradition contestée et débat public

Origine de la controverse et acteurs impliqués

Si la course à l’oie était jusqu’ici acceptée localement, elle fait l’objet en 2025 d’une vive polémique opposant défenseurs de la tradition et militants de la cause animale. L’affaire a éclaté dans les jours précédant l’édition du 15 août 2025, lorsqu’une jeune conscrite de Vanosc – refusant de participer au « jeu du cou de l’oie » – a alerté des associations de protection animale. La Fondation Brigitte Bardot (FBB), célèbre organisation de défense des animaux, s’est saisie du dossier. Dans une lettre adressée au maire de Vanosc, rendue publique le 11 août 2025, la fondation somme les autorités locales d’abolir cette pratique jugée « cruelle » et « indigne ». La FBB dénonce une coutume qu’elle assimile à de la barbarie, soulignant que « les traditions qui infligent de la souffrance ou qui portent atteinte à l’intégrité d’un animal (même mort) n’ont plus leur place dans notre société ». Sur les réseaux sociaux, la fondation a martelé son message : « Le jeu de la course à l’oie doit disparaître ! », rappelant que les Français – « et particulièrement les nouvelles générations » – sont de plus en plus sensibles au bien-être animal et attendent de vrais changements dans ce domaine.

Face à cette interpellation, les organisateurs et élus de Vanosc ont vivement réagi pour défendre leur fête. Dominique Mazingarbe, le maire de la commune, a pris publiquement position en fustigeant le « dédain du monde rural » dont feraient preuve, selon lui, les opposants extérieurs. Dans sa réponse, il affirme d’abord qu’il n’y a aucune souffrance animale infligée : « L’animal est mort avant, évidemment », rappelle-t-il, soulignant que la bête n’est pas mise à mort pendant le jeu. Le maire met en avant la dimension cohésive et identitaire de cette tradition pour son village. Ce rituel du 15 août soude la communauté depuis des générations, et il regrette que les associations n’en retiennent qu’« un épisode d’une heure sur les trois jours […] de fête » au lieu d’en voir l’ensemble. Dominique Mazingarbe reproche aux militants de juger sans comprendre, avec une vision biaisée d’urbains déconnectés de la réalité rurale. « Ils ne connaissent rien, ils ne savent pas où est la campagne », a-t-il déclaré au micro de France Bleu Drôme-Ardèche, comparant même l’intolérance dont se sentent victimes les villageois à une forme de barbarie moderne : refuser toute valeur à ceux qui ont une culture différente revient, selon lui, à les traiter d’êtres inférieurs. En invoquant l’anthropologue Claude Lévi-Strauss, il plaide pour le relativisme culturel, estimant que les traditions locales méritent respect même si elles peuvent sembler archaïques vues de l’extérieur.

Critiques des associations de protection animale

Les opposants à la course à l’oie formulent plusieurs critiques principales à l’encontre de cette pratique :

  • Cruauté envers les animaux : Même si l’oie est tuée avant le jeu, le fait de mutiler son cadavre pour se divertir est jugé choquant et déplacé. La Fondation Bardot parle de pratique « cruelle et indigne », assimilable à de la maltraitance gratuite. Ce jeu donne l’image d’une banalisation de la violence faite aux animaux, ce qui envoie un message négatif aux jeunes générations sensibles à la cause animale.
  • Atteinte au respect de l’animal : Les associations dénoncent le manque de respect fondamental envers l’animal. Transformer le corps d’une oie en objet de jeu, le traîner, l’arracher en morceaux devant le public, est perçu comme une profanation du vivant. Cela heurte la sensibilité contemporaine qui promeut davantage la dignité de l’animal (y compris après sa mort).
  • Évolution des valeurs sociales : Les militants soulignent que la société française a évolué et n’accepte plus ce qui pouvait passer autrefois. Ils estiment qu’un tel « retour au Moyen Âge » n’a plus lieu d’être en 2025. Pour la Fondation Bardot, maintenir ce jeu archaïque va à l’encontre de l’éthique collective actuelle, d’où la demande de le faire cesser sans délai.
  • Exemple donné aux jeunes : Fait notable, la contestation vient en partie de la jeunesse locale elle-même. Des conscrits de Vanosc ont refusé de participer en qualifiant le jeu de dépassé et cruel. Cette levée de boucliers interne montre un décalage entre les générations : ce que les aînés considéraient comme un amusement traditionnel est vu par certains jeunes comme un acte malsain dont ils ne veulent pas être complices.
  • Questions sanitaires : En marge de l’argument éthique, certains ont pointé un souci d’hygiène. Le fait de pendre l’oie morte en plein air pendant des heures, puis possiblement de la consommer, pourrait poser des problèmes sanitaires si la chaîne du froid et les règles d’abattage ne sont pas strictement respectées. Bien que cet aspect soit secondaire dans la polémique, il contribue aux critiques sur le caractère « inapproprié » de ce jeu dans un contexte moderne.
  • Autres jeux avec des animaux : La course à l’oie a aussi mis en lumière d’autres pratiques festives locales impliquant des animaux. La Fondation Bardot a ainsi dénoncé qu’à Vanosc se tient également une course de chèvres pouvant effrayer ou blesser ces caprins. Pour les militants, cela reflète un rapport aux animaux considéré comme instrumentalisant et irrespectueux, qu’il s’agisse d’oies, de chèvres ou d’autres bêtes utilisées pour le divertissement.

Arguments des défenseurs de la tradition

Du côté des habitants de Vanosc, des conscrits et de leurs soutiens, on avance de nombreux arguments pour défendre et préserver la course à l’oie :

  • Importance culturelle et identitaire : La course à l’oie est présentée comme une tradition locale profondément enracinée, faisant partie du patrimoine immatériel du village. C’est un « rite fédérateur » qui « unit les générations et donne un sens d’appartenance », selon les élus. Y renoncer reviendrait à effacer une part de l’histoire et de l’âme de la commune rurale, déjà soumise aux pressions de la modernité et de l’exode rural.
  • Cohésion sociale : L’argument sociologique est central. Cette fête des conscrits est l’occasion de rassembler la communauté chaque été autour d’activités communes. Le jeu du cou de l’oie, en particulier, est un moment de joie collective où tout le village se réunit pour encourager ses jeunes. Il crée du lien social dans un contexte rural parfois frappé par l’isolement. Les défenseurs estiment donc que supprimer ce jeu affaiblirait la vie locale plus qu’il ne la protègerait.
  • Absence de souffrance animale : Les organisateurs soulignent qu’aucun animal vivant n’est maltraité. « Évidemment, l’animal est mort avant » le début du jeu rappelle le maire. La mise à mort de l’oie se fait à l’avance (de manière rapide, hors du regard du public), justement pour éviter toute cruauté. Selon eux, on ne peut parler de maltraitance puisque la dépouille de l’oie ne ressent plus rien lors du jeu. Ils considèrent avoir adouci la tradition par rapport à des temps anciens bien plus cruels.
  • Respect d’une certaine éthique alimentaire : D’après les habitants, l’oie n’est pas tuée uniquement pour le spectacle : elle est généralement consommée ensuite lors d’un repas entre conscrits. Ainsi, l’animal sert à nourrir la communauté, ce qui évite le gaspillage et confère au rituel une finalité culinaire partagée. Aux yeux des défenseurs, on reste dans le cadre d’une utilisation traditionnelle de l’animal de ferme pour se nourrir, ce qui est courant en milieu rural, plutôt que dans une pure cruauté gratuite.
  • Tradition déjà modernisée : Les villageois rappellent que la course à l’oie a évolué avec le temps pour la rendre acceptable. « Le jeu a beaucoup évolué », souligne Dominique Mazingarbe. Autrefois l’oie était vivante et on utilisait des chevaux, ce qui n’est plus le cas. Le fait d’avoir substitué une oie morte et des voitures témoigne de la capacité d’adaptation des organisateurs. Ils laissent entendre que la tradition pourrait encore changer à l’avenir si les jeunes générations le souhaitent, mais refusent que cette évolution soit dictée sous la contrainte extérieure.
  • Rejet de l’ingérence et des préjugés : Enfin, les partisans de la course à l’oie ressentent fortement les critiques comme une stigmatisation du monde rural par des urbains. Le ton de la lettre de la FBB a été jugé condescendant et offensant. « Votre dédain du monde rural est trop souvent votre carburant », a lancé le maire à l’adresse de la fondation. Les habitants défendent leur droit à la différence et à perpétuer leurs coutumes sans être traités de « barbares arriérés ». Ils dénoncent un fossé culturel entre des activistes citadins, idéalisant les animaux de compagnie, et la réalité d’une culture paysanne où l’animal tient une place utilitaire (élevage, alimentation). Pour eux, s’attaquer à la course à l’oie révèle une méconnaissance du mode de vie rural et un manque de considération pour une culture minoritaire.

Couverture médiatique et réactions

La controverse de Vanosc, bien que locale, a trouvé un large écho médiatique en France au cœur de l’été 2025. La presse régionale s’en est fait l’écho dès le 9 août 2025 : Le Dauphiné Libéré notamment a relayé la position de la Fondation Bardot qualifiant la course à l’oie de « divertissement malsain » et rapporté l’appel de l’association à interdire ce jeu avant qu’il n’ait lieu. Quelques jours plus tard, la polémique est reprise par des médias nationaux. La chaîne BFMTV consacre un article le 15 août à cette affaire, posant la question : « pratique cruelle ou fête de village ? ». Des radios locales du réseau France Bleu ont également diffusé des reportages, donnant tour à tour la parole aux militants de la cause animale et aux élus de Vanosc pour exposer leurs arguments.

Sur les réseaux sociaux, le sujet a suscité des débats enflammés. La publication de la Fondation Bardot sur X (Twitter) demandant la suppression de la course à l’oie a été largement partagée et commentée. De nombreux internautes, choqués d’apprendre l’existence de ce jeu, ont exprimé leur indignation : « Jeu complètement absurde », « retour au Moyen Âge », ou encore « on a beaucoup d’arriérés dans nos vertes campagnes » pouvait-on lire parmi les réactions outrées. Certains commentateurs appellent même au boycott de la région tant que perdurera ce qu’ils considèrent comme une barbarie. À l’inverse, d’autres voix – souvent issues des milieux ruraux – ont défendu la tradition sur Facebook ou dans les commentaires d’articles, accusant les protecteurs des animaux d’exagération et de mépris culturel. Ce choc d’opinions sur Internet illustre la portée symbolique qu’a prise l’affaire, dépassant le cadre du petit village ardéchois.

Notons que malgré la pression médiatique et associative, l’édition 2025 de la course à l’oie s’est tenue comme prévu le 15 août à Vanosc, sous la protection des organisateurs et sans incident notable rapporté dans la presse. Aucune interdiction officielle n’a été émise par les autorités compétentes, le maire maintenant son soutien à l’événement. La Fondation Bardot, de son côté, a regretté cette tenue et indiqué vouloir poursuivre le dialogue pour faire évoluer la situation.

Enjeux culturels, éthiques, sociaux et juridiques

Enjeux culturels et sociaux

L’affaire de la course à l’oie de Vanosc concentre un grand nombre d’enjeux culturels et sociaux. Elle met en lumière la question plus large de la place des traditions locales dans la société contemporaine. Pour les habitants de Vanosc, ce jeu fait partie intégrante de leur culture rurale : c’est un héritage des anciens, un rituel festif qui rythme la vie du village depuis des décennies. Y porter atteinte revient, à leurs yeux, à nier leur identité collective. Dans un contexte de mondialisation et d’uniformisation des modes de vie, ils défendent le maintien de ces coutumes comme un acte de résistance culturelle. De plus, l’aspect social est crucial : ce type de fête renforce la solidarité communautaire dans de petites communes. Les conscrits, en organisant la vogue et ses jeux, apprennent à prendre des responsabilités et à travailler ensemble pour animer leur village. Les aînés y voient un passage de flambeau entre générations. Ainsi, culturellement et socialement, la course à l’oie représente bien plus qu’un jeu isolé : c’est un symbole de cohésion et de continuité pour la communauté de Vanosc.

En face, les opposants inscrivent également leur action dans un enjeu de société : l’évolution des valeurs et des sensibilités. La France du XXIe siècle porte un regard neuf sur les pratiques impliquant des animaux. De nombreuses traditions autrefois répandues (combats d’animaux, spectacle de foire avec des bêtes, etc.) sont désormais condamnées moralement, voire interdites légalement. Les militants voient dans la contestation de la course à l’oie un combat symbolique pour faire avancer la cause du bien-être animal, y compris dans des recoins ruraux où subsistent des usages d’un autre temps. Le débat soulève ainsi la question : toutes les traditions sont-elles intouchables, ou bien la société est-elle en droit (voire en devoir) de faire évoluer certaines coutumes pour les aligner avec les valeurs éthiques contemporaines ? Derrière le cas de Vanosc transparaît le fossé culturel entre un monde rural attaché à ses racines et une partie de l’opinion publique, plus urbaine, qui envisage différemment la relation homme–animal. Ce fossé peut créer de l’incompréhension réciproque, et le défi est de trouver un équilibre entre le respect des identités locales et le progrès des idées humanitaires/animalistes. L’exemple du maire citant Lévi-Strauss sur le relativisme culturel témoigne de cette tension : faut-il accepter des pratiques locales qui heurtent la sensibilité générale au nom de la diversité culturelle, ou bien existe-t-il des limites universelles à ne pas dépasser en matière de traitement des êtres vivants ? Le débat reste ouvert et éminemment sociétal.

Enjeux éthiques et bien-être animal

Sur le plan éthique, la course à l’oie soulève des interrogations profondes quant à notre rapport aux animaux et à la violence. Même si, dans le cas présent, l’animal est déjà mort, l’idée de s’amuser en infligeant des sévices à son cadavre est, pour beaucoup, moralement problématique. Les défenseurs des animaux y voient un manque de compassion et d’empathie envers des créatures qui méritent respect. Le simple fait de considérer un animal (mort ou vif) comme un accessoire de jeu va à l’encontre de l’évolution actuelle vers la reconnaissance de la sensibilité animale dans la loi française (les animaux étant légalement reconnus comme des êtres doués de sensibilité). Certes, l’oie de Vanosc ne souffre pas physiquement au moment du jeu, mais le message symbolique est jugé néfaste : cela reviendrait à trivialiser la mort d’un animal et à en faire un divertissement. Pour les opposants, il s’agit d’une atteinte au respect dû au vivant, susceptible d’émousser la conscience morale des plus jeunes (« enseigner aux jeunes qu’arracher la tête d’un animal est un jeu, c’est inacceptable » proteste une porte-parole associative).

Par ailleurs, le cas de Vanosc s’inscrit dans un débat éthique plus vaste sur le statut des traditions face aux droits des animaux. Des parallèles sont souvent faits avec d’autres pratiques controversées comme la corrida (combats de taureaux) encore autorisée dans certaines régions au nom de la tradition culturelle. La question posée est : jusqu’où peut-on invoquer la coutume pour justifier la souffrance animale ? Dans l’esprit de nombreux citoyens en 2025, la réponse tend à être : plus très loin. Les valeurs évoluent vers une éthique plus compassionnelle, et la pression s’accroît pour adapter ou abolir les fêtes impliquant de la cruauté, même ancienne. À l’inverse, les tenants de la tradition de Vanosc défendent une approche contextualisée : ils estiment que leur jeu n’implique pas de cruauté intentionnelle (puisque l’oie est tuée proprement) et que l’éthique rurale n’est pas la même que l’éthique urbaine abstraite. Eux mettent en avant une forme de respect traditionnel qui consiste justement à manger l’animal après la fête, là où d’autres y voient une circonstance aggravante (manger un animal qu’on a malmené). Ainsi, l’enjeu éthique se cristallise autour de la notion de violence gratuite : les opposants considèrent qu’arracher la tête d’une oie, même morte, est une violence injustifiable et archaïque, tandis que les défenseurs rétorquent que la violence réelle est absente (pas de souffrance) et que le but n’est pas la cruauté mais la célébration d’un rituel communautaire. Ce désaccord reflète deux systèmes de valeurs qui s’affrontent – l’un priorisant le bien-être animal absolu, l’autre arguant d’une « éthique du contexte » où l’intention, l’utilité et la tradition atténuent la portée morale de l’acte.

Enjeux juridiques et réglementaires

D’un point de vue juridique, la course à l’oie se situe dans une zone relativement grise du droit français actuel. La législation sur la protection animale interdit fermement les actes de cruauté ou de maltraitance envers les animaux vivants (Code pénal, art. 521-1), mais elle ne s’applique pas de la même manière aux animaux déjà morts. Concrètement, rien dans la loi n’interdit explicitement de suspendre et de démembrer le cadavre d’une oie dans le cadre d’un jeu traditionnel. Tant que l’animal a été abattu de façon réglementaire (abattoir ou mise à mort conforme aux normes sanitaires) et qu’aucune souffrance inutile ne lui a été infligée de son vivant, les autorités n’ont pas de fondement légal évident pour intervenir. En ce sens, la course à l’oie “version 2025” est légale en France, puisque l’oie est tuée avant le jeu. Le maire de Vanosc l’a d’ailleurs rappelé : selon lui, les organisateurs restent dans le droit en évitant toute cruauté directe.

Cependant, le vide juridique ressenti sur l’usage d’animaux morts pourrait évoluer sous la pression de l’opinion. Des précédents récents montrent que les pouvoirs publics peuvent prendre position. Par exemple, dans la commune de Lesmont (département de l’Aube), une tradition similaire de tir à l’oie a été abandonnée en 2023-2024, la municipalité ayant décidé, en concertation avec les habitants, de la remplacer par une épreuve symbolique sans animal (décapitation d’une piñata en forme d’oie). Dans ce cas, la décision a été entérinée par un vote local, évitant ainsi le heurt avec la loi en innovant sur le plan réglementaire. D’autres villages ont opté pour des solutions analogues ou remplacé la course à l’oie par des jeux alternatifs (courses de garçons de café, etc.).

Pour l’instant, aucune loi nationale n’interdit la course à l’oie avec un animal mort, mais la pression politique monte. Des associations pourraient tenter des actions en justice en s’appuyant sur d’autres textes (par exemple, l’article L214-3 du Code rural sur le respect dû aux animaux même lors de leur mise à mort, ou des arrêtés préfectoraux concernant l’organisation des fêtes avec animaux). Si la polémique gagne en ampleur, le législateur pourrait être amené à se pencher sur ce vide juridique, comme il l’a fait par le passé pour d’autres pratiques (interdiction des combats de coqs dans certaines régions, encadrement des corridas, etc.). En parallèle, les autorités locales (préfet, maire) disposent du pouvoir de police administrative pour interdire une manifestation susceptible de troubler l’ordre public ou de heurter la sensibilité du public. En théorie, un préfet pourrait invoquer la moralité publique ou le risque de troubles (manifestations d’opposants, par exemple) pour suspendre la course à l’oie. Dans la pratique, toutefois, aucune interdiction de cette nature n’a été prononcée pour Vanosc en 2025, le préfet de l’Ardèche ne s’étant pas opposé à la tenue de l’événement.

Le cas de Vanosc révèle donc un décalage entre la loi et l’évolution des mentalités. Juridiquement tolérée, la course à l’oie n’en est pas moins remise en cause par une partie de la société civile. L’enjeu pour l’avenir sera de déterminer si le droit doit s’adapter pour intégrer la notion de cruauté envers les animaux morts (ce qui serait une extension inédite du champ juridique), ou si la régulation doit se faire au niveau local par le dialogue et la sensibilisation. D’un côté, les défenseurs des animaux espèrent créer un précédent conduisant à faire évoluer les réglementations, de l’autre, les tenants des traditions redoutent une escalade législative qui viendrait bannir des pans entiers de la culture festive rurale. Ce bras de fer juridique latent n’en est qu’à ses débuts, mais il s’inscrit dans une tendance de fond : la question de la place de l’animal dans la société et de sa protection, y compris dans le cadre de nos loisirs et coutumes, occupe de plus en plus le devant de la scène législative.

Conclusion et perspectives

La course à l’oie de Vanosc apparaît aujourd’hui comme le symbole d’un débat de société plus large, opposant tradition locale et éthique moderne. D’un côté, une communauté rurale attachée à ses coutumes et à sa cohésion sociale, de l’autre, des défenseurs des animaux porteurs d’une nouvelle sensibilité où la dignité animale prime sur les divertissements jugés cruels. La polémique de l’été 2025 aura au moins eu le mérite de mettre ce sujet en lumière et de susciter un dialogue – pour l’instant difficile – entre les deux camps. Des solutions intermédiaires existent potentiellement, comme l’ont montré d’autres villages (substitution par une oie factice, adaptation des règles du jeu), mais leur acceptation dépendra de la bonne volonté de chacun.

Le défi, au-delà du cas particulier de Vanosc, est de concilier le respect des traditions rurales avec les exigences éthiques contemporaines. La question s’étend à de nombreuses pratiques culturelles mettant en scène des animaux, interrogeant sans cesse la frontière entre patrimoine festif et maltraitance. À Vanosc, le débat reste ouvert : si 2025 n’a pas vu la disparition de la course à l’oie, la pression médiatique et associative pourrait influencer l’avenir de la fête. Entre enjeux culturels (préserver l’identité du village), enjeux sociaux (maintenir la vitalité du lien communal), enjeux éthiques (ne plus infliger de violence, même symbolique, aux animaux) et enjeux juridiques (combler un vide de la loi ou au contraire laisser faire), l’équation est complexe.

Il appartient désormais tant aux habitants de Vanosc qu’aux défenseurs des animaux de poursuivre les discussions pour éventuellement faire évoluer la tradition. La Fondation Bardot, tout en condamnant fermement le maintien du jeu en 2025, a exprimé sa volonté de dialogue et proposé des alternatives respectueuses des animaux. Du côté des conscrits et des élus, une réflexion pourrait s’amorcer sur la manière de moderniser la fête sans trahir son esprit. Le compromis n’est certes pas aisé sur un sujet aussi passionnel, mais l’exemple d’autres communes montre qu’une adaptation est possible sans perdre entièrement l’âme de la tradition. Quoi qu’il en soit, la course à l’oie de Vanosc s’inscrit désormais comme un cas d’école dans la réflexion sur l’articulation entre patrimoine culturel et bien-être animal, deux impératifs que la société française cherche de plus en plus à concilier.

Sources : Le Dauphiné Libéré; BFMTV; La Dépêche; Fondation Brigitte Bardot (communiqué sur X/Twitter); France Bleu Drôme-Ardèche; InfoMinute (analyse); Wikipédia (historique du tir à l’oie)…..

Author: Angelique

J’ai créé Entre Mots et Moustaches, un espace chaleureux où se rencontrent ma passion des livres, ma créativité et mon amour des animaux. Chroniqueuse littéraire et bêta-lectrice, j’écris actuellement mon premier roman, que je souhaite publier le 25 avril 2026, une date symbolique pour moi.
Après dix années auprès de mes chevaux, un accident m’a guidée vers un nouveau projet : l’ouverture d’un bar à chats en partenariat avec la SPA et La clé des chats, mêlant café littéraire, bouquinerie et reiki, une philosophie que je pratique au quotidien depuis 2020. Entre nature, randonnées et instants gourmands, je poursuis mon chemin en tissant des liens entre mots, animaux et spiritualité.


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One thought on “La course à l’oie de Vanosc : tradition séculaire et polémique

  1. Je ne pourrais pas soutenir une telle pratique avec une oie vivante. Cependant, tant qu’elle est morte, et également importante, consommée après, j’ai du mal à m’en plaindre.