Bonjour à toi, fidèle abonné ou nouveau venu sur cet espace. C’est lundi et je reviens à ma traditionnelle chronique, celle qui présente principalement des auteurs indépendants ou de petites maisons d’édition. Aujourd’hui, ce sont les papillons que nous allons suivre, dans un beau livre dans lequel l’art partage les pages avec un début d’aventure post-apocalyptique. Pour ceux qui le souhaitent, une discussion est ouverte sur notre groupe de lecture.
Service presse — merci à l’auteure pour l’envoi de la version physique (broché, 556 pages, 2 avril 2025).
Analyse de la couverture :
une œuvre d’art au service d’une dystopie ambitieuse
Avant même d’ouvrir Le Souffle du Lépidoptère : Chrysalides, la couverture impose sa narration visuelle. Une femme en robe jaune se tient face à un horizon vert d’eau : la mer, une baleine qui affleure, un héliport et une structure industrielle, des hélicoptères qui griffent le ciel, des papillons suspendus comme des prières. L’image dit tout : la tension entre nature et technologie, le combat pour la survie, la possibilité — fragile — de la métamorphose.
Ce visuel n’est pas « joli » : il est programmatique. Il annonce la prophétie, la science, le souffle vital et le vacillement du monde. Et il place, au centre, une figure féminine — Matilda Ndongo — dont le dos tourné invite le lecteur à se projeter, à regarder avec elle ce futur fissuré. J’aime quand une couverture raconte déjà la promesse d’un livre : ici, c’est le cas, et c’est puissant.
Les cartes en noir et blanc : cartographier la survie
L’ouvrage s’enrichit de cartes et d’illustrations en noir et blanc, véritables clés de lecture.
- « Amazon Noster – Le Sanctuaire » : grouillante de papillons, de silhouettes en marche, de visages en surimpression, cette planche matérialise la lutte entre la fragilité du vivant et la détermination humaine.
- « Matilda – Shanghai 2050 – Désert du Ténéré » : un œil immense (éveil, vigilance, prophétie), une skyline futuriste, le désert, un serpent lové, des gardiens. Tout y évoque la multiplicité des fronts — spirituels, politiques, écologiques.
Ces images ne décorent pas : elles densifient l’univers, elles ancrent la fiction dans une géographie mentale et émotionnelle. À mes yeux, Le Souffle du Lépidoptère se lit aussi comme un livre-objet ; cette dimension artistique compte beaucoup dans mon appréciation globale.
Le pitch sans spoiler :
pandémie, États Africains Unifiés et quête du papillon
2050 : Une peste a ravagé la planète. Les survivants se regroupent dans les États Africains Unifiés. La société se scinde : Kamus (infectés, tributaires d’un traitement mensuel) vs Lafiyas (épargnés). L’équilibre tient à deux piliers : Matilda Ndongo, prophétesse respectée, et le Translateur, implant cérébral qui abolit la barrière des langues. Quand le traitement perd de son efficacité, espoirs et alliances se fissurent. La rumeur d’un papillon porteur d’une enzyme salvatrice enflamme les convoitises. Une course contre la montre s’ouvre, où les émotions — amour, haine, peur, foi — deviennent des armes aussi tranchantes que les virus.
Thématiques :
puissance écologique… et surabondance qui alourdit
Le roman a une grande force : sa conscience écologique. L’auteure rappelle, sans jamais moraliser, l’empreinte toxique de l’humain et notre difficulté à faire communauté quand tout s’effondre. L’idée du papillon-remède, fragile et volatil, dit à elle seule notre dépendance au vivant. J’y ai trouvé des passages très justes, des questions qui restent, qui gratouillent longtemps après la lecture.
Là où ma lecture s’est heurtée, c’est dans la prolifération des pistes. Outre la pandémie et sa gestion, l’intrigue aborde politique interne, géopolitique, fanatisme religieux, espionnage, trahisons, lutte des classes, disparités femmes-hommes, technologies de contrôle, et j’en passe. Individuellement, ces thèmes sont passionnants ; ensemble, ils finissent par alourdir la progression. Résultat : j’ai souvent reposé le livre pour souffler, sans ressentir l’addiction qui me fait d’ordinaire tourner les pages la nuit. Le monde devient parfois si foisonnant qu’il frôle l’illisible — ce qui, j’en conviens, reflète peut-être la confusion d’une fin de civilisation, mais fatigue la lectrice que je suis.
Personnages :
Ama, Gowan et Veeda, boussoles morales dans la tempête
La galerie de personnages est vaste. Je me suis accrochée à trois figures qui, pour moi, éclairent le récit :
- Ama et Gowan, deux scientifiques dont l’intégrité relie la pensée et l’action. Leur éthique, jamais clinquante, stabilise l’histoire et lui donne une colonne vertébrale.
- Veeda, suivante personnelle de Matilda, m’a profondément touchée par sa loyauté et ses failles. Elle incarne ces héroïnes de l’ombre qui tiennent les mondes alors même qu’elles restent en périphérie du pouvoir.
Quant à Matilda Ndongo, elle est fascinante par sa dimension politique et symbolique ; pourtant, sa stature de prophétesse la place parfois à distance, presque statue plus que chair. Je suis curieuse de la voir davantage éprouvée dans la suite. Et je l’avoue : j’ai envie de revoir Matias Sissoko et l’insaisissable Idrissa, dont la présence aimantée laisse présager des trajectoires explosives.
Univers et concepts : le Translateur, belle idée de SF sociale
Parmi les trouvailles de science-fiction, le Translateur m’a séduite : un dispositif greffé au lobe temporal qui abolit la barrière des langues. C’est élégant, crédible, et surtout riche d’enjeux politiques (qui contrôle la traduction contrôle la parole). Le roman aurait gagné, à mon sens, à creuser davantage ce fil — comme un axe central — plutôt que d’ouvrir simultanément tant d’autres portes. Quand il s’y attarde, le texte brille : la SF sociale prend le lead, la dystopie respire.
Style et rythme : une écriture dense, exigeante, parfois trop
Micheline Margotonne-Lise signe une écriture riche, nourrie, qui assume ses références et sa portée philosophique. On sent la volonté d’embrasser grand : la foi, la science, l’écologie, l’intime, le politique. Cette générosité peut fasciner ; elle peut aussi saturer.
Mon expérience de lecture : j’ai admiré la réalisation, j’ai beaucoup annoté, mais je n’ai pas ressenti l’urgence addictive. C’est un livre que j’ai posé, repris, reposé — sans frustration, mais sans frénésie. Certaines ellipses, certains changements d’échelle rapides m’ont laissée à la porte de scènes que j’aurais aimé habiter plus longtemps.
Est-ce un défaut ? Pas forcément. C’est le choix d’un roman qui préfère la réflexion à l’emballement, la vision à l’adrénaline continue. Si vous aimez les textes qui vous sollicitent, qui ne mâchent pas, vous serez servis.
L’objet-livre : un plaisir tactile et visuel
Je le redis : dans sa version broché (556 pages), Le Souffle du Lépidoptère est un bel objet. La couverture raconte déjà l’odyssée. Les illustrations et cartes en noir et blanc prolongent l’immersion. On sent une pensée graphique au service de l’histoire. Pour moi, c’est une vraie valeur ajoutée : je collectionne ce type d’ouvrages qu’on a envie de feuilleter, de montrer, de laisser traîner sur la table basse pour que la conversation s’allume.
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Ce que j’emporte : fil rouge, écologie, promesse d’un tome 2
Mon ressenti sincère ? OUF, j’ai tourné la dernière page !
J’ai parfois peiné à me repérer dans ce monde en sursis, j’ai regretté la dispersion thématique. Et pourtant, j’ai apprécié l’aventure. J’ai suivi le fil rouge — cette quête du papillon, cette tension entre salut scientifique et dérive mystique. J’ai gardé près du cœur Ama, Gowan et Veeda. Le final me laisse dubitative, mais la perspective d’un deuxième opus rouvre le champ : peut-être un « trou de ver » narratif où reconstituer le puzzle, affiner les lignes de force, donner à Matilda et aux autres un espace plus net. Je serai là, curieuse de retrouver Matias Sissoko et Idrissa.
Pour qui recommander ce thriller post-apocalyptique ?
- Aux lectrices et lecteurs de science-fiction dystopique qui aiment les univers foisonnants et la réflexion politique.
- À celles et ceux que passionnent les questions écologiques et les récits où la science et le sacré se frôlent.
- Aux amateurs de beaux livres et de cartes illustrées qui enrichissent réellement l’expérience.
Si vous cherchez une lecture au rythme effréné, passez peut-être votre tour. Si vous aimez les textes denses, qui vous font lever la tête pour réfléchir, Chrysalides pourrait vous parler longuement.
Et si nous cherchions ensemble le papillon ?
Le Souffle du Lépidoptère est un projet ambitieux : roman post-apocalyptique pensé comme une œuvre totale, où l’esthétique dialogue avec l’idée. J’ai autant admiré l’objet que débattu avec le texte — parfois bousculée, souvent stimulée. Au-delà de mes réserves sur la dispersion des thèmes et la lisibilité de certains passages, je salue la portée écologique et l’audace d’une auteure qui ose.
Je vous propose ceci : lisez-le, laissez-vous happer par la couverture, explorez les cartes, suivez Ama, Gowan et Veeda, débattez avec Matilda. Puis revenez me dire : le papillon est-il la clé du salut ou un leurre ?
J’ai très envie de lire vos impressions et de poursuivre la discussion — parce que ce thriller post-apocalyptique appelle, plus que tout, la réflexion partagée.
Adhésion 2026
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Dommage pour la profusion des pistes qui alourdit et qui ôte le côté page turner si agréable dans un roman. Le roman n’en demeure pas moins intrigant.