Chats domestiques et biodiversité : une cohabitation à réinventer

Nos chats domestiques sont de merveilleux compagnons, joueurs et attachants. Mais saviez-vous que derrière leurs airs inoffensifs, ces petits félins peuvent représenter une menace réelle pour la faune sauvage ?

Depuis quelques années, scientifiques et écologistes tirent la sonnette d’alarme sur l’impact des chats sur la biodiversité. Face à l’ampleur du phénomène, les autorités envisagent des mesures inédites, et chaque propriétaire de chat se retrouve face à ses responsabilités. Dans cet article, nous explorons en profondeur l’impact des chats domestiques sur la faune sauvage, les chiffres clés de la prédation féline, les mesures mises en place ou envisagées par les autorités, le rôle des propriétaires, ainsi que des solutions et bonnes pratiques pour concilier le bien-être de nos matous et la protection de la biodiversité. Le tout avec un regard sur l’évolution possible des réglementations en Europe et ailleurs. Préparez-vous à découvrir comment nos adorables félins peuvent influencer leur écosystème – et comment agir pour rétablir l’équilibre.

L’impact insoupçonné des chats domestiques sur la faune sauvage

Un chat domestique en liberté adopte une posture de chasseur dans un jardin. Même bien nourri, un chat conserve son instinct de prédation et traquera spontanément les petites proies autour de lui. Contrairement à une idée reçue, un chat ne chasse pas uniquement pour se nourrir, mais par instinct naturel de prédateur. Des études ont montré qu’un chat de compagnie consacre en moyenne plusieurs heures par jour à la chasse, même s’il est bien alimenté par ailleurs. Doté de sens affûtés (vue nocturne, ouïe fine, vibrisses ultrasensibles) et d’un corps agile, le chat domestique est biologiquement taillé pour la chasse. Oiseaux, petits mammifères, reptiles, amphibiens, insectes… peu de créatures de petite taille échappent à ses talents de chasseur.

Cette prédation n’est pas sans conséquences. Le chat domestique fait partie des 100 espèces invasives les plus nuisibles au monde selon les écologues​. Introduit par l’humain sur presque tous les continents, il perturbe les écosystèmes locaux en s’attaquant à des espèces qui n’avaient pas évolué pour s’en défendre​. Les milieux insulaires et urbains sont particulièrement vulnérables : sur les îles, l’arrivée du chat a conduit à la disparition de plusieurs espèces endémiques, et en ville les jardins deviennent des zones de chasse intensives. Par exemple, l’introduction du chat a été un facteur d’extinction pour au moins 33 espèces d’oiseaux dans le monde d’après certaines analyses écologiques – un bilan qui fait frémir les défenseurs de la nature.

Prédation féline : les chiffres qui donnent le vertige

Pour mesurer l’impact réel des chats sur la biodiversité, rien de tel que quelques chiffres marquants. Des études scientifiques récentes ont quantifié le nombre d’animaux tués par nos félins domestiques, et les résultats sont difficiles à ignorer. Aux États-Unis, une étude parue dans Nature Communications a estimé que les chats – principalement les chats errants et féraux – seraient responsables chaque année de la mort de 1,3 à 4 milliards d’oiseaux et de 6,3 à 22,3 milliards de petits mammifères. Bien que ces chiffres astronomiques concernent un vaste territoire, ils illustrent le rôle majeur du chat dans la mortalité de la petite faune.

En Australie, où la faune locale a évolué sans félins, l’impact est tout aussi préoccupant. Les chats (domestiques et harets) y tueraient environ 377 millions d’oiseaux et 649 millions de reptiles chaque année. Le gouvernement australien estime même qu’au total 1,5 milliard d’animaux indigènes sont tués annuellement par les chats sur le territoire, soit plus de 6 millions de victimes chaque nuit. Ces données ont poussé l’Australie à réagir vigoureusement (nous y reviendrons).

Qu’en est-il plus près de chez nous ? En France, où l’on compte plus de 14 millions de chats domestiques, on estime que ces derniers tuent 75 millions d’oiseaux chaque année. Ce chiffre, issu d’une extrapolation du Muséum national d’Histoire naturelle, grimperait même à 110 millions selon d’autres sources ornithologiques​. Au Royaume-Uni, avec une population féline un peu moindre, on recense tout de même environ 27 millions d’oiseaux prédatés annuellement par les chats​. Et il ne s’agit que des oiseaux : en réalité, les mammifères (souris, campagnols, musaraignes…) constituent la majorité des proies (environ 68 %), les oiseaux environ 22 %, et le reste se partage entre reptiles, amphibiens et insectes​. Au total, un seul chat domestique tue en moyenne quelque 27 proies par an, d’après une enquête du Muséum​ occitanie.lpo.fr . Imaginez l’impact cumulé à l’échelle d’un quartier, d’une ville, ou d’un pays entier…

Ces chiffres donnent le vertige et soulèvent un véritable dilemme écologique : comment continuer à profiter de la compagnie de nos chats tout en limitant ce massacre quotidien d’animaux sauvages ? La première réponse passe par des mesures réglementaires de protection de la faune.

Des mesures réglementaires pour limiter les dégâts

Face à la prédation importante des chats sur la faune, les autorités de plusieurs pays commencent à réagir. Partout dans le monde, on expérimente des solutions plus ou moins strictes pour limiter l’impact des chats en liberté sur la biodiversité.

  • L’Australie, en pionnière – Confrontée à une hécatombe d’animaux natifs due aux chats, l’Australie a déclaré la guerre aux chats harets. Des campagnes d’éradication de chats errants ont été lancées (objectif de 2 millions de chats éliminés sur 5 ans)​. Moins drastique mais tout aussi novateur, de nombreuses municipalités australiennes ont instauré des couvre-feux pour chats : il est interdit de laisser son chat divaguer la nuit, période où son instinct de chasseur est le plus actif​. Dans certaines zones sensibles (parcs naturels abritant des espèces menacées), la présence de chats est purement et simplement interdite afin de protéger la faune endémique​. L’Australie envisage même d’imposer partout la stérilisation obligatoire des chats domestiques et le confinement des chats de compagnie chez eux, et a lancé une consultation nationale sur le sujet​.

  • L’Europe se penche sur le problème – En Europe, le débat monte progressivement en intensité. Chaque pays tâtonne encore, mais certains exemples marquent les esprits. En Allemagne, la ville de Walldorf a pris une mesure radicale en 2022 : durant la saison de nidification d’un oiseau rare (l’alouette Lulu), tous les propriétaires de la commune ont reçu l’ordre de garder leurs chats à l’intérieur, sous peine d’amende, afin d’éviter toute prédation sur cette espèce menacée​. Cette sorte de « confinement félin » saisonnier, une première en Europe, montre à quel point les autorités sont prêtes à agir lorsque la survie d’une espèce est en jeu. En Écosse, un rapport récent de la Commission pour le bien-être animal (SAWC) a préconisé que dans certaines zones rurales écologiquement sensibles, les chats ne soient autorisés qu’en intérieur pour protéger la faune locale​. La recommandation allait jusqu’à suggérer de promener les chats en laisse à l’extérieur dans ces zones​. Bien que le gouvernement écossais ait pour l’instant écarté l’idée d’une interdiction généralisée (après l’inquiétude des propriétaires)​, le simple fait qu’elle soit discutée indique une évolution des mentalités. En Belgique, la ville d’Anvers a instauré une charte écocitoyenne pour les nouveaux propriétaires de chats : ils s’engagent par écrit à adopter des comportements limitant l’impact prédateur de leur animal (stérilisation, port de clochette, surveillance accrue des sorties, etc.). Cette initiative incitative vise à responsabiliser les maîtres sans passer par la loi.

  • Vers un cadre national ? – En France, pour le moment, aucune loi n’interdit de laisser sortir son chat, mais le sujet est de plus en plus discuté. Le Code de l’environnement prohibe déjà la divagation des animaux domestiques, chats compris, mais cette notion juridique (chat errant à plus de 1000 m du domicile ou sans propriétaire identifié​) s’applique surtout aux chats abandonnés. Cependant, face aux études alarmantes, certaines voix proposent d’aller plus loin. On parle par exemple de rendre obligatoire la stérilisation des chats (comme c’est déjà le cas en Wallonie voisine) pour éviter la prolifération incontrôlée de chats harets qui aggravent la prédation. D’autres suggèrent d’instaurer des quotas ou des restrictions de sorties pendant les périodes critiques (printemps, moment de reproduction des oiseaux). A minima, la généralisation du puçage électronique des chats – déjà obligatoire en France depuis 2012​ – devrait faciliter l’identification des chats en vadrouille et la responsabilisation des propriétaires.

Il est clair que le vent tourne et que les chats ne pourront plus vagabonder en totale liberté partout sans que la question de leur impact se pose. Mais si la réglementation peut encadrer les choses, la solution passe aussi (et surtout) par une prise de conscience des propriétaires eux-mêmes.

A suivre vendredi : Voyons comment chaque maître peut agir à son niveau.

Author: Angelique

Passionnée par les mots, l'organisation créative et les animaux, j'ai créé Entre Mots et Moustaches , un coin chaleureux où se mêlent l'amour des livres, l'art du Bullet journal et la beauté des animaux. Ici, on célèbre la créativité sous toutes ses formes, dans un esprit bienveillant et inspirant.


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