Connaissez-vous le blog Filimages ? Cet article est inspiré par ses photos de Saint Malo (mais aussi de Dinard, berceau de mon enfance). Passionnée par les vieilles pierres, l’idée m’est venue de vous faire découvrir l’histoire qui va suivre : Essaouira et Saint-Malo : deux villes portuaires unies par l’ingénieur français Théodore Cornut.
1. Deux cités atlantiques aux racines maritimes fortes
Quand on découvre Essaouira pour la première fois, ses remparts tournés vers l’Atlantique rappellent immédiatement les silhouettes granitiques de Saint-Malo. Cette ressemblance n’est pas un hasard. Ces deux villes partagent un ADN maritime, une stratégie militaire côtière, et un lien direct : l’ingénieur français Théodore Cornut.
Au XVIIIe siècle, Saint-Malo s’impose comme une place forte du commerce et de la guerre maritime. Port d’explorateurs, de corsaires, mais aussi de riches armateurs, elle est à la fois redoutée et admirée. De son côté, Essaouira est encore à naître. En 1765, le sultan Mohammed ben Abdallah décide de créer une ville portuaire moderne pour contrôler le commerce maritime marocain. Il fait appel à un ingénieur européen au savoir-faire reconnu : Théodore Cornut.
2. Théodore Cornut : un architecte français au service du Maroc
Né à Avignon, Cornut est un spécialiste des fortifications à la française, inspiré par l’œuvre de Vauban. Lorsqu’il arrive au Maroc, il met au service du sultan ses compétences en urbanisme militaire. Sa mission ? Concevoir la ville idéale : bien défendue, régulière, accessible au commerce.
Il s’inspire directement de Saint-Malo pour dessiner Essaouira. Il y applique un plan en damier (orthogonal), conçoit des bastions aux angles, trace les remparts face à l’océan, et définit des portes fortifiées stratégiques. Ce plan rigoureux tranche avec les médinas labyrinthiques traditionnelles, et fait d’Essaouira une exception dans le paysage urbain marocain. Elle porte d’ailleurs bien son nom : « Es-Saouira » signifie « la bien dessinée ».
3. Essaouira, le Saint-Malo marocain : architecture et urbanisme communs
L’urbanisme d’Essaouira reprend les grands principes malouins :
Des remparts massifs et des bastions tournés vers la mer,
Des plateformes d’artillerie (les sqala) évoquant les batteries côtières bretonnes,
Une intégration fluide entre ville fortifiée et infrastructures portuaires,
Un quartier administratif (la kasbah) strictement organisé.
Cornut conçoit Essaouira comme une citadelle moderne, à la fois à l’épreuve des attaques et favorable au développement du commerce. Le modèle de Saint-Malo lui permet de créer une ville militaire et marchande, qui deviendra un carrefour incontournable entre l’Afrique, l’Europe et les Amériques.
4. Des liens commerciaux et culturels entre Maroc et Bretagne
Au-delà de l’architecture, Essaouira et Saint-Malo sont aussi reliées par les échanges commerciaux qui ont fleuri au XVIIIe siècle. Des armateurs malouins ont commercé avec le Maroc bien avant la construction d’Essaouira, exportant armes, textiles, bois, en échange de cuir, d’épices ou de produits artisanaux.
Essaouira devient ensuite un port clé pour le commerce triangulaire : les marchandises africaines (gomme arabique, plumes, épices) transitent vers l’Europe. La communauté juive marocaine y joue un rôle majeur, servant d’intermédiaire entre le sultanat et les marchands européens. Saint-Malo, quant à elle, profite de ses navires au long cours pour maintenir un lien indirect avec les ports marocains via l’Espagne ou le Portugal.
5. Une mémoire partagée et un jumelage moderne
Aujourd’hui, Essaouira et Saint-Malo célèbrent cette histoire commune. Leur jumelage officiel, initié en 2011, met en valeur cette filiation architecturale et ce passé d’échanges. Des projets culturels, artistiques et pédagogiques rapprochent les deux cités, autour de valeurs communes : l’ouverture, la créativité, l’attachement à la mer.
Pour les amateurs d’histoire et les voyageurs curieux, cette filière franco-marocaine est une invitation à explorer autrement les remparts d’Essaouira ou de Saint-Malo. Marcher sur les traces de Cornut, c’est ressentir la puissance d’un héritage croisé où l’Europe et l’Afrique se rencontrent dans la pierre, le vent et l’écume.
Carnet de voyage : de Saint-Malo à Essaouira, sur les traces de Cornut
Jour 1 – Saint-Malo, la corsaire
Commence ton itinéraire dans la vieille ville close. Grimpe sur les remparts au lever du soleil. Sens le vent du nord fouetter les pierres, comme un appel au départ. Visite la Tour Solidor et le musée d’histoire maritime. Inspire-toi de l’audace des corsaires.
Jour 2 – Escale à Avignon
Sur les pas de Théodore Cornut, fais halte dans sa ville natale. Découvre son influence dans les cercles d’ingénieurs du XVIIIe siècle et rends hommage à son héritage oublié.
Jour 3 – Essaouira, la bien dessinée
Plonge dans la médina dès ton arrivée. Observe les bastions, le plan en damier, les sqala. Marche jusqu’à Bab el-Marsa, la grande porte du port. Termine ta journée sur les remparts face à l’océan : le même vent souffle ici qu’à Saint-Malo.
Jour 4 – Rencontre des cultures
Explore le quartier juif, les galeries d’art, les musiciens de rue. Déguste une pastilla sur la place Moulay Hassan. Essaouira est un carrefour : entre l’Afrique, l’Europe et les rêves de ceux qui traversent la mer.
À emporter dans ton carnet de voyage ou ton Bullet journal :
Une idée de week-end : Essaouira ou Saint-Malo, deux villes à explorer pour leurs remparts, leur ambiance maritime et leur histoire commune.
Un clin d’œil lecture : cherche un livre sur les fortifications à la Vauban ou sur le Maroc du XVIIIe siècle pour prolonger l’expérience.
Une réflexion perso : qu’est-ce que ces villes nous disent sur les liens entre les cultures ?
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Merci pour ce voyage culturel et instructif. La prochaine fois que je prendrai un verre sur les remparts de Saint-Malo, ce sera un thé à la menthe !
Bon dimanche.
Tu crois que tu auras du thé à la menthe ? A Saint Malo, le cidre est si doux 🙂
Je te souhaite une belle semaine
Merci Angélique.
Une belle semaine à toi aussi.
Devant justement aller à Avignon début juin, j’essaierai de voir les traces de Théodore Cornut 🙂
Tu me raconteras ?