Nous sommes nombreux et nombreuses à suivre les Chroniques Occultes dont j’ai rédigé la chronique d’une croisière pas comme les autres dernièrement. Mais j’avais beaucoup à dire sur les inspirations de l’auteur. Guy-Roger Duvert a clairement ancré Les Chroniques Occultes dans la tradition lovecraftienne, et il ne s’en cache pas. Sur sa page d’auteur, il liste H. P. Lovecraft parmi ses références majeures aux côtés d’auteurs de science-fiction et fantastique comme Asimov, Philip K. Dick et Roger Zelazny.
Guy-Roger Duvert cite Lovecraft parmi ses influences
De plus, la saga elle-même reprend directement des éléments de l’univers créé par Lovecraft. Par exemple, l’action se déroule dans les années 1930 à Arkham et à l’Université Miskatonic, des lieux emblématiques inventés par Lovecraft, et met en scène la quête d’artefacts liés aux Grands Anciens – entités cosmiques caractéristiques du mythe de Cthulhu. Un synopsis du tome Croisière macabre (tome 5) rappelle ainsi que les héros « travaillent pour la Miskatonic University. Ils sont à la recherche d’artefacts, de documents occultes concernant les Grands Anciens (univers de Lovecraft) ». Il est donc évident que Duvert a voulu inscrire cette série dans le sillage de Lovecraft et de son mythe de Cthulhu. En effet, journalistes et blogueurs n’ont pas manqué de le souligner : Les Chroniques Occultes « s’inspirent de l’univers de H. P. Lovecraft, célèbre écrivain du genre fantastique et horrifique ». Un article culture pop consacré au tome 5 confirme qu’il s’agit d’« une saga en cinq livres inspirés des œuvres de Lovecraft ». Guy-Roger Duvert lui-même a même présenté sa série directement aux cercles de fans de Lovecraft (par exemple en annonçant le tome 1 via la communauté de la H.P. Lovecraft Historical Society), ce qui montre bien qu’il revendique cette filiation.
Thèmes et ambiance :
une influence lovecraftienne bien perceptible
Sur le plan stylistique et thématique, Les Chroniques Occultes reprennent de nombreux codes lovecraftiens tout en les adaptant à un rythme plus moderne. L’intrigue suit un groupe d’enquêteurs aux compétences complémentaires (archéologue, détective, journaliste, espion) confrontés à des cultes occultes et à des forces surnaturelles indicibles, ce qui est très proche de la structure de nombreux récits de Lovecraft (où un protagoniste découvre peu à peu une horreur cosmique). L’ambiance générale des romans est ainsi décrite comme un mélange d’aventure pulp à la Indiana Jones et d’horreur lovecraftienne. La critique de Les Disparus d’Arkham (#2) par Scifi-Universe le formule nettement :
« Guy-Roger Duvert nous replonge dans l’ambiance pulp matinée d’horreur lovecraftienne qui ravira les fans du mythe de Cthulhu ».
De même, un chroniqueur propose d’imaginer le croisement entre les films La Momie et les romans de Lovecraft, c’est-à-dire une aventure façon Indiana Jones mâtinée de Grand Ancien.
On retrouve donc dans la saga une atmosphère sombre, inquiétante et occulte tout à fait lovecraftienne, mais racontée sur un mode plus enlevé et plus accessible au grand public.
Plusieurs éléments illustrent cette influence. Dans Les Disparus d’Arkham, Duvert parvient à recréer l’oppression surnaturelle de la célèbre ville fictive d’Arkham. Le décor y devient presque un personnage : la blogueuse Very Important Book note que le roman retranscrit bien « l’atmosphère oppressante et dangereuse de la ville » d’Arkham, avec cauchemars, angoisse, et des habitants étranges qui se terrent la nuit – autant de motifs chers à Lovecraft. Le même article conclut que ce tome 2 « confirme que la série est à fond dans les codes et l’univers de Lovecraft. À lire sans hésitation si vous aimez Lovecraft ». On voit donc se dessiner un univers fictionnel directement hérité du canon lovecraftien : le bestiaire inclut Nyarlathotep (une entité du panthéon lovecraftien, explicitement nommée dans le titre du tome 3, L’Ombre de Nyarlathotep), et de nombreuses références littéraires parsèment les romans. Un lecteur attentif relèvera des clins d’œil aux Montagnes Hallucinées (le plateau de Leng est mentionné), au Cauchemar d’Innsmouth, à la Quête de Kadath ou encore à la nouvelle Nyarlathotep elle-même. Comme le souligne un critique, « M. Duvert fait toujours ses devoirs » en maîtrisant le Mythe de Cthulhu et en intégrant des créatures et lieux tirés de Lovecraft, au point d’inventer même son propre monstre s’insérant parfaitement dans ce mythos.
Enfin, les grands thèmes lovecraftiens – l’horreur cosmique indicible, la fragilité de la raison face à l’inconnu, et l’irruption du surnaturel dans la réalité – sont bien présents tout au long de la saga. Les personnages de Duvert risquent leur santé mentale à mesure qu’ils découvrent des vérités terrifiantes, exactement comme chez Lovecraft. Dans Les Disparus d’Arkham, « la santé mentale de nos personnages sera malmenée » par les événements occultes. De même, Croisière macabre (tome 5) enferme les protagonistes dans le huis clos inquiétant d’un paquebot transpacifique des années 30, le SS Haronga, où de mystérieux phénomènes vont transformer le voyage en cauchemar. Cette situation rappelle les récits lovecraftiens qui placent des personnages isolés face à l’incompréhensible – à ceci près qu’ici l’action se déroule dans un contexte d’aventure maritime, évoquant autant L’Appel de Cthulhu (avec son bateau maudit) que les classiques récits de vaisseaux hantés. La progression narrative de Croisière macabre est d’ailleurs typiquement lovecraftienne dans sa gradualité : « L’étrange arrive d’abord par petites touches, qui deviennent de plus en plus importantes. C’est assez machiavélique » décrit un commentaire. Le roman maintient ainsi le lecteur dans une attente angoissée, montant crescendo vers le fantastique horrifique – une recette familière aux amateurs de Lovecraft.
Un hommage pulp : similitudes et différences stylistiques
Si l’héritage de Lovecraft est indéniable, Guy-Roger Duvert ne se contente pas de pasticher le style de Providence : il le fait évoluer dans une direction plus pulp et cinématographique. Plusieurs critiques ont noté que Les Chroniques Occultes conservent l’esprit du mythe de Cthulhu tout en allégeant la prose et en offrant plus d’action. Un lecteur sur Amazon.fr se réjouit de retrouver l’ambiance Lovecraft « sans la lourdeur volontaire des écrits de Lovecraft. Ici tout est facile à lire mais cela n’enlève rien au plaisir de l’aventure ». En effet, Lovecraft avait un style très chargé, archaïsant et volontairement obscur, qui peut rebuter; Duvert adopte une écriture plus moderne et fluide, privilégiant les chapitres courts, le rythme et les rebondissements, ce qui rend l’histoire plus accessible sans trahir le fond horrifique. D’aucuns parlent d’un style « cinématographique » riche en action, suspense et scènes visuelles, à l’image d’un bon film d’aventure. On retrouve ainsi un ton plus héroïque : là où les protagonistes lovecraftiens finissent souvent impuissants, fous ou morts, ceux de Duvert prennent les armes (scientifiques ou physiques) contre le Mal.
Cette différence de ton a été explicitée par un commentateur qui compare deux “écoles” d’écriture lovecraftienne. Selon lui, Lovecraft lui-même et ses disciples les plus fidèles insistent sur la fatalité et le désespoir (des histoires où l’horreur cosmique est inéluctable et broie les héros), tandis que d’autres auteurs comme Brian Lumley ont développé une approche plus pulp où des investigateurs peuvent combattre et repousser – temporairement – la menace des Grands Anciens. « Duvert rejoint la seconde école et nous livre ici un vrai récit d’aventures avec tous les ingrédients du fantastique : la découverte progressive d’un mal ancien, et l’irruption de l’horreur dans le quotidien ». En somme, Guy-Roger Duvert mélange l’horreur cosmique lovecraftienne avec le roman d’aventures classique. Ses héros disposent d’une marge de manœuvre plus grande que chez Lovecraft : ils peuvent décrypter des indices, affronter des cultistes, voire retarder l’éveil d’une entité maléfique, là où chez Lovecraft la simple connaissance du mythe suffit à condamner les personnages. Cette orientation est pleinement assumée par l’auteur, quitte à ce que son récit perde un peu du pessimisme radical cher à Lovecraft. D’ailleurs, note avec malice le même commentateur, si Duvert avait strictement collé à l’esprit lovecraftien, le premier tome aurait pu se suffire à lui-même, se terminant par “un personnage interné à l’asile et l’autre perdu dans une autre dimension” – ce qui n’est pas le cas, puisque la série continue et que les survivants apprennent à lutter contre l’horreur. En choisissant de développer une saga suivie, l’auteur s’éloigne donc légèrement du nihilisme lovecraftien pour embrasser une veine plus divertissante, sans pour autant sacrifier les frissons.
Conclusion
En conclusion, H. P. Lovecraft est explicitement et implicitement une source d’inspiration majeure pour Guy-Roger Duvert dans Les Chroniques Occultes. L’auteur l’a reconnu à travers ses références et le prouve par le contenu même de ses romans, truffés de lieux, de créatures et de thèmes lovecraftiens. Croisière macabre et les autres tomes offrent ainsi un véritable hommage à l’horreur cosmique de Lovecraft, que ce soit par l’ambiance (cauchemars, occultisme, menace indicible venue d’ailleurs) ou par la structure (enquête ésotérique menant à la folie et au danger). Duvert y ajoute cependant sa patte personnelle : un style plus dynamique et une touche pulp qui rappellent les serials d’aventure des années 1930. Le résultat plaît autant aux fans de Lovecraft qu’aux amateurs de thriller fantastique moderne. Comme l’écrit une chroniqueuse, Les Chroniques Occultes est une série « à lire sans hésitation si vous aimez Lovecraft ». – on ne peut rêver meilleure conclusion, tant l’influence lovecraftienne y est à la fois palpable et habilement réinventée pour un nouveau public.
Je remercie mes ami(e)s blogueurs pour leur regard avisé qui m’a aidée à rédiger cet article, ainsi que Renegades, pour son articles très intéressant.
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Merci pour ton article instructif car si j’ai repéré certains élément connus du grand public, n’ayant que peu lu Lovecraft, je passe à côté de références et éléments d’inspiration.
Hihihi, il y a un petit essai sur exactement ce sujet dans mon livre !