Aujourd’hui, je vous propose un entretien exclusif avec Serge Robert, auteur du roman Abysses parallèles – Tome 1 : Utopia, paru le 12 avril 2025. Un roman qui mêle exploration sous-marine, mystère, et réflexions contemporaines, à travers les pas (et les palmes !) de Didier d’Orville, photographe passionné de plongée embarqué dans une aventure qui le dépasse.
Une plongée littéraire entre aventure, dystopie et quête de sens
Lors de ma lecture, j’ai ressenti autant de fascination pour l’univers que de frustration face à son traitement rapide. L’envie de comprendre la démarche de l’auteur m’a donc poussée à lui poser quelques questions, avec curiosité et respect. Il a accepté d’y répondre en toute transparence.
🖋️ Sur la genèse du roman
Qu’est-ce qui a été le point de départ d’Abysses parallèles ? Une image, une idée, un personnage ?
Le point de départ est un voyage autour du monde de plus de huit mois. À Kuala
Lumpur, je logeais chez un ami dont une connaissance était recherchée par une
triade à cause d’une dette de jeu. Plus tard, lors de mon périple, je suis arrivé à
Pohnpei, une île de Micronésie entourée de légendes et de mystère. Ces deux
éléments ont posé les bases du roman : la partie liée à la triade s’inspire d’une
histoire vraie, tandis que la partie utopique vient d’un mélange de réflexions
personnelles et d’imaginaire. Les premières pages ont été écrites à Georgetown, en
Malaisie.
Vous présentez votre roman comme une rencontre entre Bob Morane et Jules Verne dans un univers contemporain. Comment cette idée s’est-elle imposée à vous ?
Elle ne s’est pas imposée pendant l’écriture, mais plus tard, quand il a fallu présenter
le livre au public. La catégorie « romans d’aventure » n’existe quasiment plus sur les
plateformes ni en librairie. Ce terme est réservé soit aux récits jeunesse, soit aux
aventures vécues. Abysses parallèles n’est ni l’un ni l’autre. J’ai donc cherché une
façon simple et évocatrice de le définir. Jules Verne pour l’univers d’Utopia, et Bob
Morane pour les aventures mouvementées de Didier d’Orville.
Pourquoi avoir choisi le monde de la plongée sous-marine comme toile de fond ? Avez-vous une expérience personnelle dans ce domaine ?
La plongée ne constitue que le décor de quelques chapitres, mais elle joue un rôle
important dans le démarrage du roman. Je suis un plongeur amateur, plutôt
expérimenté, et lors de ce long voyage autour du monde, j’ai beaucoup pratiqué
– avec mon propre matériel dans mes bagages. Il m’a donc semblé naturel de faire
évoluer mes personnages dans cet univers.
Le plus difficile a été de rendre cette expérience immersive pour les non-plongeurs,
sans tomber dans le jargon ni les explications trop techniques. D’après les retours, je
crois avoir trouvé le bon équilibre.
La plupart des scènes sous-marines sont d’ailleurs directement inspirées de mon
carnet de plongée.
Le roman mélange aventure, dystopie et suspense. Aviez vous cette ambition dès le départ ou est-ce venu au fil de l’écriture ?
Je crois que oui, ces trois composantes étaient présentes dès l’idée de départ. Mon
défi consistait à faire basculer une aventure classique vers un autre registre : celui de
la dystopie (ou de l’utopie), selon le point de vue.
Je vous livre une petite exclusivité : c’est le film Une Nuit en enfer, réalisé par Robert
Rodriguez sur un scénario de Quentin Tarantino, qui m’a ouvert les yeux. Il
commence comme un film de gangsters, puis vire brutalement dans l’horreur pure,
un bain de sang aux portes de l’enfer. Ce virage m’a impressionné, et je me suis dit :
pourquoi ne pas tenter un saut similaire – dans un tout autre style – en partant d’un
roman d’aventure classique pour l’orienter vers une dystopie teintée de science-
fiction ? Je rassure les lecteurs : Abysses parallèles est garanti sans mort violente !
📖 Sur la narration et le rythme du récit
Le rythme du roman est soutenu, avec de nombreux changements de lieux et d’actions. Comment avez-vous travaillé l’équilibre entre dynamisme et profondeur narrative ?
Mes romans ont une construction très cinématographique. Je les découpe en
scènes, comme pour un film. Pour Abysses parallèles, j’avais rédigé de petites fiches
que je disposais au sol. Je les déplaçais comme les pièces d’un puzzle, afin de
mieux alterner description, narration et dialogue, tout en veillant à faire monter
l’action crescendo.
Certains lecteurs ont pu se sentir un peu perdus dans la première partie. Était-ce une volonté de maintenir le mystère ou le fruit d’un choix structurel ?
On peut effectivement découper le roman en plusieurs parties, mais je le conçois
comme un tout cohérent. C’est une aventure qui commence par une course-
poursuite dans les rues de Paris, suivie d’une scène dans un casino clandestin de
Kuala Lumpur. Ensuite, de nombreuses péripéties s’enchaînent.
Comme je l’ai déjà évoqué, le point de départ du livre est un long périple en solitaire
avec un sac à dos et mon matériel de plongée. Ce que je voulais recréer, c’est cette
dynamique du voyage : des moments de tension, de fuite, mais aussi d’autres, plus
contemplatifs.
Si certains lecteurs se sentent un peu perdus au début, c’est aussi parce que je
choisis de ne pas tout expliquer d’emblée. Je préfère poser des jalons, un univers, et
laisser au lecteur le soin de s’immerger progressivement. Ces éléments prennent
leur sens au fil de la lecture, et surtout dans les tomes suivants, où l’intrigue
s’épaissit.
Didier semble souvent emporté par les événements sans en maîtriser les tenants et aboutissants. Est-ce un reflet de notre rapport à un monde devenu complexe et instable ?
Je ne suis pas allé aussi loin dans cette réflexion. Pour moi, Didier est surtout le
prototype du héros ordinaire, quelqu’un qui se retrouve embarqué malgré lui dans
une suite de mésaventures. Il ne contrôle pas grand-chose, et c’est justement ce qui
le rend humain. D’ailleurs, n’est-ce pas un peu ennuyeux de vouloir tout maîtriser
dans la vie ?
🌐 Sur les thématiques du roman
Quels sont les grands thèmes que vous souhaitiez explorer à travers Abysses parallèles ?
Je ne sais pas si on peut parler de « grands thèmes », mais il est clair qu’on y trouve
un besoin d’évasion, une quête de sens et la confrontation à l’inconnu. J’y aborde
aussi la manipulation. Tout cela est venu naturellement au fil de l’histoire, sans
volonté théorique, mais en laissant les personnages et les situations les faire
émerger.
Derrière l’intrigue se dessinent des préoccupations écologiques, politiques, géopolitiques… Quel rôle attribuez-vous à la fiction dans l’analyse ou la dénonciation du monde actuel ?
Je crois que la fiction a effectivement un rôle à jouer dans l’éveil des consciences. Et
il faut bien reconnaître qu’aujourd’hui, les sujets ne manquent pas.
Quant à moi, je n’ai nullement la prétention de porter un message, même si Abysses
parallèles est parsemé de réflexions comme : le vivre ensemble, la destruction de
l’habitat, le tourisme sexuel, ou encore le massacre lié à la pêche aux requins.
Le mot Utopia, présent dans le titre, invite à penser un ailleurs, un idéal. Quelle place occupe cette notion dans votre roman ? Est-elle amenée à évoluer dans les tomes suivants ?
Utopia est le sous-titre de ce premier tome, et les tribulations de Didier et de John les
conduisent précisément dans ce lieu. Personnellement, je ne crois pas aux utopies.
Je pense qu’Homo sapiens est trop con pour faire durer un idéal collectif. Le sous-
titre du tome 2 est déjà fixé : Mu. J’avais aussi hésité avec Dystopia, ce qui en dit
long sur la direction que prendra cette société fictive dans mon imaginaire.
📚 Sur la suite et la structure de la saga
Pouvez-vous nous donner quelques pistes sur le tome 2 ? Retrouverons-nous Didier dans la continuité de ses aventures ?
Oui, tout à fait. Abysses parallèles est une saga pensée comme une suite logique :
chaque tome s’inscrit dans la continuité du précédent. Ce n’est donc pas une série
de récits indépendants, mais une histoire globale qui se développe peu à peu.
On retrouvera donc Didier d’Orville, bien sûr, ainsi que certains de ses compagnons
de route.
Avez-vous une vision claire de la saga dans son ensemble, ou laissez-vous l’histoire se construire au fil des tomes ?
C’est un peu des deux. J’ai une vision d’ensemble de la saga, une ligne directrice à
suivre. Mais la construction évolue souvent en cours d’écriture. Une idée qui surgit
peut m’emmener ailleurs, ou ouvrir une piste que je n’avais pas prévue. L’essentiel
étant de rester cohérent à chaque étape.
Le premier tome compte 212 pages, ce qui peut parfois donner le sentiment d’une intrigue « compressée ». Prévoyez-vous un développement plus ample pour la suite ?
La longueur relativement courte du tome 1 est un choix assumé. Le récit traverse
plusieurs étapes, chacune nécessitant un gros travail de recherche, même lorsque je
me permets de déformer la réalité. Je « connais » certains lieux décrits : Paris, Kuala
Lumpur, Semporna, la Micronésie… mais j’utilise aussi Street View pour m’imprégner
des ambiances. J’ai même revécu, à pied cette fois, la course-poursuite dans les
rues de Paris. J’ai fait quelques recherches sur la triade 14 K, entre autres. Pas
grand-chose n’est laissé au hasard, sauf dans la partie du livre purement spéculative.
Même là, je me renseigne lorsque je parle de bioluminescence.
Dans le second tome, je prends davantage le temps de développer mon univers.
Si vous aviez aujourd’hui la possibilité de reprendre un passage ou un arc narratif du tome 1 pour l’approfondir, lequel choisiriez-vous ?
Cela peut sembler présomptueux, mais je n’ai pas de passage ou d’arc narratif que
je souhaiterais reprendre dans ce tome 1. J’y ai longuement réfléchi, en m’appuyant
sur le regard d’alpha-lecteurs, puis de bêta-lecteurs, avant de faire appel à une
correction approfondie, menée de manière très professionnelle.
✨ En tant qu’auteur
Quel a été pour vous le plus grand défi dans l’écriture de ce roman ?
Le plus grand défi a été de trouver le temps d’écrire, et d’accepter les sacrifices que
cela implique. L’écriture en elle-même a été un travail intense, mais c’est un effort
que j’assume volontiers, car j’y prends du plaisir. C’est donc dans l’organisation du
quotidien que les concessions sont les plus difficiles.
Comment accueillez-vous les retours des lecteurs, notamment lorsque les avis sont partagés ?
Pour l’instant, j’ai la chance d’avoir eu d’excellents retours, et très peu d’avis mitigés.
Quand cela arrive, j’essaie de voir si la critique est construite. Si elle est bien
argumentée, je prends le temps d’y réfléchir, même s’il est trop tard pour modifier ce
qui est déjà publié. Le pire, ce serait une chronique négative mais brillamment écrite
et difficile à contester… Je touche du bois, ça ne m’est pas encore arrivé.
Je me sers aussi des retours sur le tome 1 pour ajuster certains choix dans la suite, à
condition que cela reste cohérent avec ce que j’ai envie de raconter. C’est un peu
comme avoir des bêta-lecteurs à grande échelle.
Y a-t-il des œuvres – littéraires, cinématographiques ou autres – qui vous ont inspiré pendant l’écriture de ce projet ?
Ouh là là ! J’imagine que tout ce que j’ai lu ou vu a nourri mon imaginaire, d’une
façon ou d’une autre. En matière de littérature de genre, j’admire surtout les auteurs
à l’imagination foisonnante comme Henri Vernes ou Serge Brussolo. Ce dernier
m’impressionne particulièrement : il a exploré des registres très variés, et certains de
ses romans sont, pour moi, de véritables chefs-d’œuvre (je précise que les
superlatifs ne font pas partie de mon vocabulaire). Un titre me vient en tête : La Main
froide.
Côté cinéma, je pense notamment au film After Hours de Martin Scorsese. Son
scénario est découpé au millimètre, chaque détail a son importance, et l’ensemble
crée une montée en tension remarquable. C’est une belle leçon narrative.
Ce qui m’a précisément inspiré, c’est ce long voyage de plus de huit mois que j’ai
évoqué. J’y ai puisé de nombreux éléments, en m’appuyant sur mon journal de bord
et mon carnet de plongée, que j’ai bien sûr romancés. Quant à la structure même du
récit, je crois qu’on peut trouver une parenté du côté de cycle d’Ananké, de Henri
Vernes. Il y a cette idée de basculement progressif, d’un monde réel vers quelque chose de plus mystérieux. Et puis, difficile de ne pas mentionner l’impact du premier
Indiana Jones, vu à 17 ans sur grand écran en Dolby Stereo : ça marque, forcément.
Que souhaiteriez-vous que vos lecteurs retiennent avant tout en refermant Abysses parallèles ?
Mon souhait, c’est avant tout que mes lectrices et lecteurs aient passé un bon
moment en compagnie de Didier et de ses amis. Et qu’en refermant Abysses
parallèles, ils gardent en eux cette sensation de voyage et de découverte d’un
ailleurs.
Enfin, si vous pouviez emmener symboliquement vos lecteurs dans une plongée aux côtés de Didier, que leur diriez-vous avant de s’immerger ?
N’attendez pas l’utopie, elle n’apparaît que dans le dernier tiers du roman. Laissez-
vous tout simplement porter dès les premières pages. Je vais presque paraphraser
Lao Tseu – non pas pour paraître érudit –, mais parce que cette phrase résume
parfaitement l’esprit de ce premier tome : « Le chemin lui-même est le but ».
💬 Conclusion : Un auteur à suivre sous la surface

Cette interview éclaire d’un nouveau jour le projet littéraire ambitieux de Serge Robert. Si Abysses parallèles m’a laissée sur ma faim en tant que lectrice, j’en ressors avec une admiration renouvelée pour la richesse de l’univers pensé par l’auteur, et l’envie sincère de découvrir la suite.
Merci à Serge Robert pour sa disponibilité et sa sincérité.
Et vous, chers lecteurs, avez-vous plongé dans ce roman ? Que pensez-vous de cette approche de l’aventure littéraire ? Partagez votre avis en commentaire !
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