L’audience approche.
Et avec elle, une forme d’étouffement qu’aucun mot n’allège. Depuis des semaines, je dors mal, je ne mange plus. Je reste prostrée dans le canapé, immobile, comme si bouger risquait de faire s’effondrer ce qui reste de moi. Le temps s’est arrêté sur une convocation. Tout mon quotidien s’articule désormais autour d’une date : le jour du jugement.
Je ne parle pas ici d’un verdict judiciaire, mais d’un verdict intérieur — celui que l’on subit avant même d’être entendue.
L’attente, cette autre forme de condamnation
Il y a les dossiers, les convocations, les délais. Et puis il y a l’attente, cette zone grise où la justice ne dit rien mais où tout se joue déjà.
Les nuits se ressemblent, les matins n’en sont plus. L’estomac vide, la tête pleine. Les questions tournent en boucle : comment payer les honoraires ? que va-t-il se passer ? pourquoi moi ?
Le corps encaisse ce que l’esprit ne peut plus traiter.
L’attente devient un état, une cellule invisible.
On ne vit plus, on anticipe. On ne pense plus, on craint.
L’angoisse judiciaire est une violence que personne ne mesure. On parle de verdicts, rarement d’attente. Pourtant, c’est dans ce vide administratif que la peur prospère.
L’impuissance financière, cette autre blessure
Chaque démarche est une facture. Chaque document, une dépense.
Un avocat commis d’office — qu’on n’a jamais vu, qui rentre de vacances le jour même de l’audience — ne peut pas apaiser ni conseiller.
Son rôle est d’être présent, pas d’être là.
Je compte et recompte : les honoraires, les trajets, les absences au travail. Tout s’effrite. Le système judiciaire ne se contente pas d’évaluer votre parole : il pèse votre portefeuille.
La justice a ce paradoxe cruel : elle dit “égale pour tous”, mais elle commence par demander une avance.
Alors que faire ?
Emprunter ? Manger moins ? Attendre un miracle administratif ?
Je me sens déjà jugée par l’absence de moyens.
Le trajet de trop : quatre heures pour être jugée
Le Tribunal Judiciaire est loin. Trop loin.
Sans véhicule, il faut partir avant l’aube, enchaîner les bus, espérer qu’aucun retard ne vienne briser la fragile synchronisation.
Convocation à 8 h 30 : comme si la distance ne comptait pas, comme si l’épuisement n’était pas déjà une punition.
Et si le bus a du retard ? Et si je n’arrive pas ?
Dans la logique froide du système, il ne s’agira pas d’un empêchement, mais d’une “absence non justifiée”.
On vous demande d’être ponctuelle dans une situation où tout est conçu pour vous faire échouer.
Ce lundi, je serai seule. Seule dans l’attente, seule dans le transport, seule devant la porte du tribunal.
La solitude administrative est une forme moderne d’humiliation : on vous isole pour mieux dire ensuite que vous “ne coopérez pas”.
L’épuisement psychologique : le procès intérieur
Je suis détruite.
Physiquement, psychologiquement, émotionnellement.
Chaque jour ressemble à une reconstitution du même cauchemar : relire la convocation, anticiper les scénarios, chercher un sens.
Mais le pire n’est pas la peur. Le pire, c’est l’absence de sens.
L’idée qu’une dénonciation calomnieuse, un simple appel “bienveillant”, ait pu déclencher ce chaos sans que personne n’en mesure les conséquences.
Celui qui a déclenché tout cela dort sans doute bien.
Moi, je n’existe plus que dans les interlignes de son mensonge.
Et la justice, dans tout cela ?
Elle avance, mécanique, insensible, répétant son refrain : “la procédure suit son cours.”
Écrire pour survivre à l’invisible
Je n’ai pas la force de plaider, mais j’ai celle d’écrire.
Parce que l’écriture, elle, ne classe pas sans suite.
Elle garde trace des silences, des nuits blanches, de la lente décomposition de l’espoir.
J’écris parce qu’il faut bien respirer quelque part. Parce qu’au fond, c’est ma seule défense : ne pas laisser le réel m’effacer.
Alors je partage ici, dans cet espace où la parole reste libre, mon attente, ma peur, ma fatigue.
Non pour me plaindre, mais pour témoigner.
Parce que derrière chaque convocation, il y a une existence suspendue.
Et vous, comment attendez-vous ?
Peut-être êtes-vous déjà passé par là.
Peut-être vivez-vous, en ce moment, cette même attente dévorante.
Vos mots m’aideront, comme mes mots espèrent vous aider.
Partagez votre expérience en commentaire.
Parlons de cette zone grise de la justice — celle qui ne fait pas les gros titres, mais qui brise les vies.
Parce que dans l’attente avant le verdict, la seule chose vraiment “recevable”, c’est la solidarité.
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Je suis tellement désolée que tu doives traverser une telle épreuve. J’espère que pour une fois, la justice rendra un verdict qui prouve qu’elle n’est pas déconnectée de la réalité et que les gens ordinaires ne doivent pas payer doublement le prix de sa lenteur et de ses déraillements.
Je t’envoie tout mon réconfort <3
Merci Audrey.
Mais le verdict est lourd et le pire, c’est que comme ils ont « oublié » de me convoquer, ce n’est pas terminé…….
Je suis tellement désolée 🙁